Consacré aux réponses territoriales aux défis soulevés par la santé mentale, le débat du Club Santé Var-matin s’est concentré sur la question de la psychiatrie, « un système à bout de souffle ».
« Santé mentale : quelles réponses territoriales à cet enjeu majeur de santé publique ? »
Avant de répondre à cette question qui leur était posée lors du dernier débat organisé dans le cadre du Club Santé Var-matin, adhérents et invités ont d’abord dressé le constat d’une situation préoccupante à bien des égards. En voici les points essentiels.
De plus en plus de troubles psychiques, des causes multiples
« Dans le Var comme au niveau national, depuis le Covid, les troubles psychiques ont progressé en nombre et se sont majorés, surtout chez les adolescents », introduit le Dr Stéphane Bourcet, psychiatre au centre hospitalier Henri-Guérin à Pierrefeu, co-animateur du débat, aux côtés de Nancy Cattan, cheffe du service Santé du Groupe Nice-Matin.
Répercussions du Covid, guerre en Europe, cette augmentation relève « d’une succession d’évènements traumatiques anxiogènes ».
Deux populations sont particulièrement touchées : les jeunes et les personnes âgées « confrontées, elles, à trois facteurs de dégradation de la santé mentale : le deuil, les pathologies chroniques débutantes, les démences. »
Mais au-delà de ces tranches d’âge, tout le monde est exposé à une dégradation de sa santé mentale. « Dans un environnement multifactoriel de vulnérabilité, tout individu peut présenter des troubles psychiques », insiste le psychiatre, en pointant notamment « le contexte socio-économique » : « Le travail fait de plus en plus mal. »
Des propos sur lesquels rebondit aussitôt le Dr Jean-Luc Le Gall, président du Conseil de l’Ordre des médecins du Var. « Il y a des pathologies nouvelles, liées à la souffrance au travail, avec des conséquences en termes d’addictions, de vies sociales et familiales détruites. »
« Un quart des adultes est ou sera confronté à un trouble de santé mentale », conclut Mylène Baudry, présidente de l’association Esper Pro.
Une pénurie de soignants
« La pénurie de soignants rend la situation particulièrement complexe », alerte le Dr Bourcet. Les données fournies par le Dr Le Gall parlent d’elles-mêmes : « 100 à 105 psychiatres exercent en libéral dans le Var, ils sont 85 en milieu hospitalier – pas tous à temps plein – et une trentaine dans les associations et le secteur privé. »
Santé mentale et psychiatrie, de la confusion à l’invisibilité
Pour Florence Bartolomei, formatrice à l’école d’infirmières Croix-Rouge Compétences, « on fait trop souvent l’amalgame entre la santé mentale et la psychiatrie. »
« La santé mentale concerne chacun d’entre nous, elle fait partie de la santé globale. Quand elle se dégrade, quand on n’a plus les outils pour affronter le quotidien, on risque alors de rentrer alors dans la pathologie psychiatrique. »
« 35 à 40 % des femmes de 35 à 40 ans présentent des troubles anxieux dépressifs », renchérit le Dr Yannick Knefati, médecin au Centre hospitalier intercommunal Toulon-La Seyne (CHITS).
« La souffrance mentale, comme celles manifestées par ces jeunes femmes, suivies en ville, doit être prise en compte : il faut agir là, sinon on manque un palier », estime le Dr Pierre Gras, coprésident de l’inter CPTS du Var.
S’il reconnaît que « le sujet de la santé mentale existe », Nicolas Funel, directeur du centre hospitalier Henri-Guérin à Pierrefeu, établissement dédié à la psychiatrie, déplore « une incapacité du politique à parler et à penser la psychiatrie. On refuse de prononcer ce mot. »
Pourtant, les sujets de préoccupation dans le domaine sont nombreux.
À commencer par le nombre de lits. « On a zéro lit dans le Var pour les ados – on doit les hospitaliser en pédiatrie ou chez les adultes ! Il y a un sujet aussi avec les patients âgés, on part de très loin (avec seulement 25 lits de psychiatrie dans le Var pour les sujets âgés) ! Ces thématiques font partie de la santé mentale, mais on n’en parle pas. »
Une cause sans argent
Alors que la santé mentale a été déclarée grande cause nationale 2025, le Dr Le Gall dénonce le fait « qu’on n’ait pas mis d’argent ».
« Les politiques se sont emparés du sujet de la santé mentale et on saupoudre, sans prendre en compte les besoins de la psychiatrie, complète le Dr Bourcet. Il faut de l’argent pour la santé mentale, mais il en faut également pour la psychiatrie. Elle est en grande difficulté. C’est un système à bout de souffle, qui n’est plus pensé. Dans les années 1997-2000, on a développé les soins ambulatoires et on a fermé des lits, mais on n’a pas vu arriver la majoration des troubles, le problème de la démographie soignante et l’augmentation de la population. On manque de lits, de soignants et d’argent pour les payer. Il manque un véritable plan d’action au niveau national. »
–> Article disponible sur : https://www.nicematin.com/sante/club-sante-var/sante-mentale-la-psychiatrie-volet-oublie-10656917
Ecrit par CAROLINE MARTINAT

