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Comment les médecins de ville se battent pour sortir de la crise dans l'est-Var

À la tête du CPTS Var Estérel Méditerranée, Maria Pères et Pierre Gras multiplient les pistes pour attirer de nouveaux jeunes médecins généralistes qui font actuellement défaut dans les communes de l’agglomération. Photo Philippe Arnassan

Article publié le 23/09/2020 par PHILIPPE MICHON dans "Var-Matin"

La Communauté professionnelle de santé de l’Est-Var multiplie les pistes pour remédier à la pénurie de médecins traitants. Malgré de solides obstacles…

Il y a pratiquement un an, jour pour jour, Maria Pères, déjà présidente de l’association des infirmiers libéraux, et le docteur Pierre Gras, lançaient la Communauté professionnelle territoriale de santé Var Estérel Méditerranée (CPTS).

Une structure communautaire réunissant des équipes de soins primaires, regroupées autour d’un médecin généraliste et des professionnels de la santé de second recours établis entre les hôpitaux publics et privés, les hospitalisations à domicile et les Ehpad.

« Même s’il est vrai que notre structure est encore en pleine construction, l’objectif de la CPTS est de mettre en œuvre des actions afin d’améliorer la situation actuelle pour l’ensemble de la profession. Aujourd’hui, nous travaillons avec des groupes composés de professionnels de la santé afin de répondre aux besoins de notre territoire », rappelle la vice-présidente Maria Pères qui, comme le président Pierre Gras, a été interpellée par l’article ‘‘Recherche médecins généralistes désespérément’’ paru dans nos pages le 9 septembre.

"ÊTRE MÉDECIN N’EST PLUS UN MÉTIER ATTRACTIF!"

La mission prioritaire à venir est justement d’améliorer la prise en charge des patients dans un souci de continuité et de qualité des soins, poursuit-elle. Une meilleure coordination des acteurs de soins de notre territoire attirera les jeunes générations vers la médecine de ville, actuellement boudée eu égard à ses contraintes. Aujourd’hui les cabinets sont saturés! Un médecin généraliste travaille près de 11 heures par jour. Continuer à prendre de nouveaux patients nuira inévitablement à la qualité des soins. Enfin, lorsqu’on sait que pour une consultation à 25 euros le médecin passe environ 30 à 45 minutes avec le patient, comment dire… Aujourd’hui être médecin n’est plus un métier attractif! »

D’où la fuite de certains professionnels vers les hôpitaux et autres établissements privés de santé.

De quelque 110 médecins généralistes recensés en 2018 pour l’ensemble des cinq communes de l’agglomération Est-varoise, ils sont aujourd’hui moins d’une centaine…

« Aucune installation nouvelle est actuellement prévue alors que 50 % des praticiens ont plus de 60 ans et plus de 30 % ont plus de 65 ans. Qu’en sera-t-il dans cinq ans? » s’inquiète le docteur Gras.

Une situation d’autant plus inquiétante pour le président du CPTS qui ne voit pas la tendance s’inverser avant plusieurs années. Et ce, pour de multiples raisons.

« Cette carence persistante peut se prolonger sur les huit prochaines années étant entendu qu’il n’y aura pas de nouveaux diplômés sortant des facultés avant cette date, annonce-t-il avant de prendre en exemple son propre parcours. Lorsque j’ai commencé mes études en 1974, six cents médecins étaient annuellement diplômés à la faculté de Marseille. Actuellement, en additionnant Marseille et Nice, ils ne sont que 400 diplômés alors que la population a plus que doublé. »


Puis, comme le pense également sa consœur Maria Pères, la médecine de ville, n’est plus du tout attractive pour les jeunes diplômés.

« La profession souffre d’une surcharge administrative, mais aussi d’un certain manque de reconnaissance. Le prix de la consultation du généraliste à hauteur de 25 euros est l’un des plus bas en Europe. Aujourd’hui, il appartient aux pouvoirs publics de permettre à la population d’avoir un accès aux soins en ville en rendant de nouveau attrayant le métier de médecin de famille… »

Reste que pour le CPTS, le premier bilan, après un an d’existence, est mitigé.

Seulement dix médecins généralistes ont adhéré à la structure intercommunale. Au grand dam de Maria Pères et Pierre Gras pour qui, l’amélioration de cette situation tendue passera par les CPTS.

DES PISTES POUR IMAGINER UN MEILLEUR AVENIR

« Il semblerait effectivement que les pouvoirs publics parient sur les CPTS afin d’inciter, de diverses manières, les généralistes à accepter de nouveaux patients. Nous travaillons actuellement sur quelques pistes. La première consisterait à les décharger de certaines contraintes administratives afin d’améliorer le temps dédié aux soins. On pourrait également mettre en place des incitations économiques pour recevoir prioritairement les patients au-delà de 75 ans. Enfin, on peut aussi envisager d’ouvrir des maisons médicales de ville et ainsi faciliter la pluridisciplinarité », annoncent en chœur le président et la vice-présidente de la CPTS Var Estérel Méditerranée.

Autant dire qu’il y a du pain sur la planche pour répondre aux besoins d’une population de 120 000 âmes.

PHILIPPE MICHON dans « Var-Matin »​ le 23/09/2020